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La chasse : indispensable au développement durable ?

3 chasseurs et leur chiens

La chasse, par définition, est l’action de poursuivre des animaux afin de les manger ou de les détruire. En France, c’est un droit soumis à des réglementations strictes qui se déroule principalement au sein des forêts, des territoires clefs d’un développement durable. C’est-à-dire une croissance à long terme qui tient compte des contraintes écologiques, sociales et économiques. En effet, les forêts disposent d’une large biodiversité et de ressources naturelles indispensables au fonctionnement de nos sociétés. Ainsi l’exploitation et la protection de ces espaces est essentiel pour l’humanité et les chasseurs en sont les acteurs de terrain incontournables.

Dans quelle mesure les chasseurs sont-ils des acteurs majeurs d’un développement durable ?

En France, en 2018, d’après un sondage de l’Ipsos, seulement 19% des français sont favorables à la chasse, ce loisir est jugé cruel envers les animaux, dangereux pour les hommes et mal encadré par l’Etat.

Un chasseur ! cours. Courir c'est quoi

La chasse n’est pas plus cruelle envers les animaux que les abattoirs alors pourquoi est-elle stigmatisée ?

. Des associations comme la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) déposent des dizaines d’actions en justice tous les ans afin de dénoncer le manque d’éthique des chasses, dites traditionnelles, comme le piégeage ou la chasse à la glue. 

. Marc Persichetti chasseur depuis 5 ans, prédit une disparition progressive de la chasse à la glue et condamne l’élevage d’animaux destiné à la chasse. La chasse existe pour nourrir l’homme et préserver les écosystèmes et non pour assouvir les passions sanglantes de chasseurs marginaux. De plus, la chasse d’animaux d’élevage implique des dégâts écologiques comme la surpopulation d’espèce dans des milieux dont ils ne sont pas issus. 

. La définition de la chasse paraît simple pourtant les méthodes de mise en pratique sont nombreuses et certaines font débat. Entre les chasseurs et les militants, la bataille est permanente. La question de notre devoir d’empathie envers les animaux est posée et implique une incompréhension profonde et rend le débat constructif impossible malgré des convergences de point de vue. La question du rapport entre l’homme et l’animal est une question métaphysique personnelle à laquelle nous devons trouver un consensus pour faire société. 

La chasse traditionnelle provoque un désordre social et écologique, elle ne répond donc pas aux conditions d’un développement durable.

La chasse est-elle dangereuse ?

. Les français défavorables à la chasse mettent en avant sa dangerosité. D’après l’Office Française de la Biodiversité, les 20 dernières années ont montré une moyenne de 158 blessés annuels. Cependant, 90% des blessés sont des chasseurs qui ont manqué aux règles de sécurité. 

. La chasse est un loisir à risque au même titre que de nombreux sports comme le parapente qui dénombre en 2018 plus de 500 blessés et une dizaine de morts en moyenne chaque année. Pourtant le parapente ne nécessite aucun permis pour être exercé contrairement à la chasse. 

. Le permis de chasse est octroyé par la ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage) après plusieurs épreuves censées prévenir ces accidents. Marc Persichetti, chasseur en Seine-Maritime explique le déroulement de sa formation en trois phases : La manipulation de l’arme dans un centre de tir, l’application sur le terrain lors d’une chasse en battue et l’épreuve théorique expliquant le fonctionnement des biosphères.

. De plus, les chasseurs demandent la mise en place d’une formation à la sécurité obligatoire et applicable à tous les chasseurs de France. Cette proposition est portée au gouvernement par l’intermédiaire de Willy Schraen, directeur de la FNC, Fédération nationale de Chasse. Par ailleurs, un chasseur manquant aux règles de sécurité est immédiatement fiché à la FNC et rencontrera des difficultés pour se faire accepter dans un nouveau corps de chasse. La chasse n’est donc pas le plus dangereux des loisirs et est largement encadré du point de vu de la sécurité. Stigmatiser les chasseurs pour leur dangerosité provoque un conflit social durable sans permettre un développement durable.

Comment s’organise la chasse en France ?

Diagramme représentant l’organisation structurelle de la chasse en France, en 2020.

  • FDC : Fédération Départementale des Chasseurs de [nom de département].
  • FNC : Fédération Nationale des Chasseurs.
  • FACE : Federation of Associations for hunting and conservation of the EU.
  • OFB : Office Française de la Biodiversité
  • ONCFS : Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage
  • AFB : Agence française pour la Biodiversité.
  • ACCA : Association Communales et intercommunales de Chasse Agréées.
  • ESOD : Espèce susceptible d’Occasionner des Dégâts.

Attention, le diagramme ci-dessus est non exhaustif, il ne détaille pas la place et le rôle de l’OFB.

  • Etablissement public administré par le ministère de la transition écologique et celui de l’agriculture.
  • Regroupe, depuis janvier 2020, l’AFB et l’ONCFS.
  • A noter : la FNC fait partie du conseil d’administration de cet organisme. 
  • Quelques-unes de ses missions : police judiciaire et administrative des chasseurs, recherche et expertise des espèces sauvages et de leurs milieux.

. Cette organisation structurelle complexe met en avant deux conflits d’intérêts et pose la question de l’objectif de la chasse en France.  

. L’objectif de Thierry Coste est d’augmenter le nombre d’armes à feu sur le territoire français afin de satisfaire ses clients. Ayant voix au sein du ministère de l’écologie, il fait pression pour baisser le prix du permis de chasse, allonger la liste des espèces nuisibles et les périodes de chasse afin d’augmenter le nombre de chasseurs et le nombre d’arme à feu.La FNC s’alligne sur ses opinions puisqu’il est leur conseiller politique. Ainsi les intérêts économiques du lobbyiste entraînent un désastre écologique sur les territoires de chasse. En effet des espèces classées par l’Union Européenne comme protégées sont classées nuisibles, donc chassables, en France.

. Par ailleurs, le préfet départemental est à l’origine d’arrêtés censés encadrer la chasse dans son département. Cependant, le préfet s’appuie sur le rapport des lieutenants de louveterie, les chefs des corps de chasse, pour établir leur arrêtés. Hors les louvetiers font partie de la FNC et leurs connaissances de terrain sur la biodiversité sont locales et non globales. Ainsi on peut se demander si leurs conseils sont impartiaux et d’une qualité suffisante pour une gestion durable du territoire.

L’organisation de la chasse en France ne permet pas un développement écologique et économique stable, durable.

Pourquoi l’Homme chasse-t-il ?

“L’homme est intelligent parce qu’il chasse, si historiquement l’homme était vegan il serait con comme une valise”

Marc Persichetti, chasseur.

. L’homo sapiens est une espèce a part entière qui a sa place dans l’écosystème planètaire. Il a donc sa place dans la chaîne alimentaire. Il est à la fois la proie et le prédateur d’autres espèces. Mais sa maigre corpulence ne lui permet pas d’être au sommet de la chaîne alimentaire. L’objectif de tout être vivant etant de survivre et de se reproduire  l’homo sapiens s’est adapté. Il a développé une intelligence collective pour se mesurer à ses prédateurs et a transmis ses connaissances à ses descendants. 

. Ainsi l’homme est devenu chasseur pour se défendre, se nourrir, résister au froid etc. C’est l’ère de l’homme chasseur-cueilleur qui invente le feu et cuit ses aliments. La cuisson des aliments, dont la viande a permis au cerveau humain de se développer plus rapidement en comparaison aux autres primates.

 . Puis il évolue jusqu’à inventer l’agriculture puis les supermarchés. Aujourd’hui l’Homme est capable de chasser l’intégralité des espèces de cette planète et se place comme le superprédateur ultime. Cette évolution fut socialement et économiquement prospère mais les changements climatiques montrent que cette évolution ne prenait pas en compte l’aspect écologique. 

. Historiquement l’homme est carnivore, il chasse et cuisine. Son évolution dépend de son comportement et de son alimentation donc si l’homo sapiens était herbivore, il ne serait pas devenu le superprédateur ultime.

Pourquoi les chasseurs sont-ils encore nécessaires ?

Après 10 milliers d’années d’agriculture, de déboisement et de domestication animale, les écosystèmes ont été intégralement modifiés par l’homme. En effet, des espèces ont disparu telle que le dodo et d’autres ont mutées comme le loup devenu le chien. L’Homme est devenu le superprédateur ultime en entraînant la disparition des superprédateurs naturels.

Cerf

L’exemple du cerf

Le prédateur sauvage du cerf est le loup. Mais la domestication du loup en chien et le comportement opportuniste du loup qui, par facilité,  préfère s’attaquer au bétail d’élevage a entraîné la disparition de ce dernier. Par conséquent, la population de cerf a augmenté et entraîne des dégâts importants dans nos forêts. Le cerf mange les jeunes pousses d’arbres et empêchent la forêt de renaître, de plus le cerf se frotte aux troncs des arbres leur enlevant leur écorce jusqu’à ce qu’ils tombent. Ainsi afin de préserver les forêts et les nombreuses espèces qui l’habite, la régulation de la surpopulation de cerf est nécessaire.

La disparition d’une espèce brise le cycle naturel et entraîne des déplacements de populations dans des milieux dont elles ne sont pas issus et crée des réserves d’animaux qui elles même entraînent la diminution d’autres animaux. Par ailleurs, les espèces en surpopulation sont obligées de sortir de leur habitat naturel, la forêt, pour venir se nourrir dans les champs. Ainsi, afin de protéger les milieux agricoles et forestiers, la régulation de la faune sauvage est nécessaire. Les chasseurs sont donc encore nécessaire aujourd’hui.

Le saviez-vous : Le loup est réapparu de lui-même sur certain territoire du sud-est de la France, heureux de retrouver un superprédateur, nous l’avons protégé. Aujourd’hui sa population est telle que nous le chassons, en quantité limitée rassurez-vous, afin de protéger nos élevages de bétails et éviter sa surpopulation.

Les chasseurs sont-ils indispensables au développement durable ?

. Le travail bénévole des chasseurs ne se limite pas à la régulation des espèces. En effet, ils complètent le travail des gardes forestiers, souvent trop peu nombreux, grâce à leurs connaissances des territoires et des biosphères. Les chasseurs s’occupent de la rénovation des biosphères, de l’entretien des chemins, des cabanes et du décompte des espèces. De plus, ils interviennent pour replanter des haies et recréer des mares lorsque celles-ci se dégradent. Ainsi le chasseur se présente comme un acteur de terrain dont le travail est indispensable pour espérer garder une stabilité écologique des territoires ruraux.

Le Canton de Genève en Suisse

. Il y a plus de 40 ans, le Canton de Genève est devenue la première zone européenne à  tenter l’expérience d’interdire les chasseurs sur son territoire d’environ 280km². Des kilomètres de clôtures ont été mises en place pour protéger les zones agricoles et les centres urbains des dégâts susceptibles d’être occasionnés par les animaux. Un investissement économique qui a permis une avancée écologique avec l’augmentation de la population de toutes les espèces.

. Cependant, l’absence de superprédateur a créé une surpopulation de certaines espèces qui ont occasionnées des dégâts matériels. En 2018, 25 chevreuils sont chassés, pour réguler la surpopulation, par des gardes de l’environnement, des fonctionnaires chargés de la gestion et de la régulation de la faune. Le salaire de ces derniers et l’indemnisation des propriétaires ayant subi des dégâts à cause de la faune sauvage représentent l’essentiel du coût de cette méthode “sans chasse”. Cette méthode appliquée à toute la Suisse serait trois fois plus coûteuse que la méthode actuelle ”avec chasseur”. Cette méthode n’est donc pas réalisable à grande échelle à cause de la contrainte économique.

. Ainsi, tant que des nouveaux superprédateurs ne seront pas apparus, la chasse restera indispensable. D’autres méthodes sont envisageables mais elles ne sont économiquement pas soutenables.

Un équilibre agro-sylvo-cynégetique est-il possible ?

Par définition, un équilibre agro-sylvo-cynégétique est un stade où les populations animales susceptibles d’occasionner des dégâts sur les végétaux et les cultures sont régulés pour permettre la régénération naturelle de la forêt et l’exploitation agricole en périphérie de la forêt. Autrement dit, c’est la co-existence durable entre agriculture, sylviculture et chasse.

Le Parc national des Cévennes

Le parc des Cévennes est l’un des seuls parcs nationaux français à autoriser la chasse et à disposer de culture en son cœur. Ce territoire classé par la Commission mondiale des aires protégées a dû atteindre un équilibre agro-sylvo-cynégétique afin de préserver sa diversité biologique. 

. Des réglementations strictes ont été mises en place. Seule la chasse au gros gibier est autorisée et le chasseur doit faire partie d’une fédération propre au parc et participer à des réunions d’information sur l’état du parc. Ces réunions sont indispensables puisque les zones et périodes de chasse peuvent varier d’un mois à l’autre. En effet, il existe des zones de tranquillité pour que les animaux qui ne sont pas en surpopulation puissent se reproduire et ces zones varient selon le bon vouloir des animaux.

. Par ailleurs, les balles en plomb ont été interdites, ce qui permet la préservation des sols et de nombreuses espèces d’oiseaux. Car la pollution du plomb est agressive, elle génère de nombreuses maladies comme le saturnisme chez l’homme et l’animal. Marc Persichetti explique que les balles en plomb sont généralement réservées au petit gibier. C’est pourquoi il a été facile d’interdire cette méthode dans les Cévennes.

. Dans ce contexte, la chasse se présente comme gardienne de la santé de la faune et de la flore. Elle protège autant l’agriculteur et ses champs que les espèces sauvages et leur forêt. Ainsi le parc national des Cévennes montre que la chasse peut s’inscrire dans un développement durable sous réserve de certaines réglementations.

Pourquoi ne pas faire de la chasse un métier du service public ?

. Le chasseur rend de nombreux services à notre société puisqu’il  se place comme un acteur de terrain indispensable à la gestion de la faune et de la flore au sein de nos territoires ruraux. Cependant le manque de connaissances des enjeux écologiques par les chasseurs et l’absence d’expertises de terrain pour les préfets conduisent à des dérives dévastatrices pour les territoires locaux et leurs écosystèmes et créent des conflits sociaux.

. La mise en place de fonctionnaire de l’environnement tel que des techniciens cynégétiques permettrait, grâce à sa formation, de pallier au manque de connaissance et ne nécessiterait plus la prise de décision aveugle des préfets. Malheureusement, le coût économique de ces fonctionnaire n’est pas soutenable pour l’Etat.

. Actuellement les chasseurs sont des bénévoles soumis à de nombreuses cotisations qui permettent la gestion des territoires ruraux. Entre l’adhésion à une fédération, la validation du permis de chasse et la licence annuelle, la chasse se présente comme un loisir coûteux. 

. Marc Persichetti, chasseur de gros gibier dépense 1000€ par an, pour chasser 11 à 12 jours dans l’année. Il explique que le coût de la licence de chasse varie d’un département à l’autre. Pour lui celle-ci s’élève à 250€ environs à verser tout les ans à la FNC et comprend les assurances et les taxes notamment celle sur le gros gibier. A cela s’ajoute le prix de l’action de chasse, qui permet de payer la location de territoire, les bracelets pour les animaux nuisibles à prélever comme le sanglier ou le lièvre et l’entretien du territoire et de sa biosphère. Sur 5 millions de détenteurs de permis de chasse en France, seulement 1,2 million de chasseurs sont actifs, la raison financière expliquerait ce chiffre selon M.Persichetti. 

Ainsi la participation financière des chasseurs représente une part non négligeable du budget utilisé par la gestion économique des territoires ruraux.

EN BREF

La chasse est-elle indispensable pour un développement durable ? 

La chasse est indispensable au sein d’un développement durable car la régulation des populations animales et la protection des zones agricoles et forestières est obligatoire pour un développement social, écologique et économique durable.

Cependant le fonctionnement de la chasse en France ne permet pas un développement durable, puisqu’il encourage des pratiques et des méthodes de chasse dévastatrices pour l’environnement qui de surcroît créent des conflits sociaux.

Note de l’auteur, Shelter :

L’objectif de cet article est de recentrer le débat sur la chasse en France.

La dangerosité et la cruauté de la chasse sont des faux-débats de façades. Selon moi, le débat à avoir est sur l’organisation structurelle de la chasse afin d’éviter les dérives et de permettre un développement durable de nos territoires. Cependant, avant d’envisager un débat sur l’organisation cynégétique, il faudrait réconcilier les chasseurs et les militants et débattre sur la question de la place et du statut des animaux dans nos sociétés.

Le mot de la fin :

« Je pense que si on pouvait discuter avec les associations animalistes et qu’on réunissait nos savoirs on serait meilleur pour l’environnement. »

Marc Persichetti, chasseur.

Marc Persichetti a souhaité apporter une réponse et des précisions sur cet articles :

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